Un extrait éclairant du livre de Fabrice Midal, philosophe, écrivain et fondateur de l'Ecole occidentale de la méditation : "Foutez-vous la paix ! ...Et commencez à vivre"
"Je suis fatigué qu’on me demande sans cesse, parce que je suis engagé dans la méditation : «Comment être zen ? ». Comme si cette question avait un sens ! Pourquoi ne me demande-t-on pas : « Comment être un peu plus vivant ? ». Car tel est le défi. Notre défi. L’enthousiaste est appelé par le monde. Il sait qu’il prendra des coups, qu’il s’énervera, qu’il ripostera, qu’il aura des colères justes et parfois injustes, mais qu’importe, il est prêt à retrousser ses manches pour avancer. Il y a plus de vérité dans ses émotions que chez tous les maîtres qui arborent une mine impassible, considérant sans doute qu’elle participe de leur caricaturale dignité.
Je suis horrifié par la sagesse telle qu’elle nous est présentée, y compris dans les médias grand public : un moyen validé scientifiquement pour nous aider à nous réfugier dans une petite zone de confort. Mais la sagesse n’est, en cela, qu’une forme de consumérisme. Au lieu d’acheter tel ou tel article au supermarché, je vais me procurer de la sagesse. Comme si elle était à l’extérieur de nous. Je vais acheter ceci ou cela pour me sentir bien, mais une fois que j’ai acheté le produit, je ne suis pas du tout comblé, j’ai immédiatement besoin d’autre chose. D’un autre produit qui m’est aussitôt proposé. Cette imposture nous rend toujours plus dépendants et nous donne l’illusion de n’être pas à la hauteur, voire des incapables ! N’est-ce-pas, du reste, le ressort du consumérisme ?
Foutez-vous la paix, et vous découvrirez que la sagesse est là, en vous. S’il vous plaît, arrêtez de vous torturer avec cette quête impossible : la sagesse n’est pas un Graal inatteignable, elle habite seulement dans l’ici et maintenant, elle est en chacun de nous. Être sage n’implique pas de nier ce que je suis pour atteindre une perfection qui n’existe pas, mais consiste à m’ouvrir à ce que je suis, imparfait comme je le suis, comme nous le sommes tous.
Arrêtez de méditer si vous le faites pour apprendre à lâcher prise, selon cette autre injonction à la mode : vous n’y parviendrez pas. Méditer, ce n’est pas se calmer, c’est entrer en rapport avec votre propre vie. Ce n’est pas prendre ses distances avec l’ici-bas, ce n’est pas détourner la tête de notre quotidien mais, au contraire, c’est prendre à bras-le-corps tout ce qui fait notre existence, y compris le sexe, l’argent, le travail, les emmerdes et les joies.
La vraie sagesse ne consiste pas à enfouir ses émotions, ni non plus à les exposer. Elle implique d’entrer en rapport avec elles, de les écouter, de reconnaître ce qu’elles disent pour distinguer le vrai du faux."
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